UEF BELGIUM IN THE PRESS | Pourquoi ne pas fêter trois générations de paix et de prospérité le 9 mai ?
Please find here the link to the article “Pourquoi ne pas fêter trois générations de paix et de prospérité le 9 mai ?” published on the La Libre Belgium. This article was written in French by Philippe Van Damme, from the European Commission, and Domenico Rossetti di Valdalbero member of UEF Belgium.
Demandez en rue ce qui se fête le 9 mai et, en dehors des eurocrates et à quelques autres exceptions près, personne ne pourra vous répondre. Au plus, certains de la vieille génération feront encore le lien avec les 8 et 9 mai 1945, fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe sur, respectivement, le front occidental et oriental. Et cette réponse ne serait même pas si mauvaise, car le 9 mai 1950, cinq ans à peine après la fin de la guerre la plus sanglante que nous ayons jamais connue, Robert Schuman, ministre français des Affaires Étrangères, tendait la main à l'ennemi séculaire, l'Allemagne, en proposant de reconstruire ensemble l'Europe dévastée. Le début du projet pacifique le plus extraordinaire de tous les temps, couronné par le prix Nobel de la paix en 2012.
Bouc-émissaire
Mais cette histoire est déjà lointaine pour beaucoup de jeunes, et l'Europe est devenue une mal-aimée, bouc-émissaire de nombreux politiciens pour tous les maux auxquels la société moderne est confrontée, oubliant que c'est précisément à l'échelle européenne que nous pouvons répondre au mieux à de nombreux nouveaux défis. Avons-nous déjà oublié l'appel à une réponse collective à l'invasion injustifiée et injustifiable de l'Ukraine par la Russie et qui menace la paix en Europe ? Nous rappelons-nous la réponse collective dans la lutte contre la pandémie Covid et à la crise financière de 2008 ?
Nous avons tendance à ne plus nous rendre compte, aujourd'hui, comme il est facile de traverser une frontière de l'Union, de payer dans 20 pays avec la même monnaie, de ne plus avoir de frais d'itinérance avec nos smartphones en téléphonant d'un pays voisin, ou de pouvoir bientôt utiliser un chargeur universel (USB-C).
L'agriculteur belge peut se plaindre de la tomate française "produite de manière déloyale" et l'agriculteur français de l'espagnole et l'Espagnol de la marocaine. Mais en réalité, la tomate que nous consommons tous, quelle que soit son origine, répond exactement aux mêmes normes sanitaires et phytosanitaires partout dans l'Union. De même, les produits de la forêt importés devront, à partir de 2025, répondre à des normes de zéro-déforestation et d'exploitation durable de la forêt. Qu'il s'agisse du café, du cacao, de l'huile de palme, du soja ou de la viande de bœuf, les mêmes règles devront être respectées. Il en ira de même pour les produits des secteurs industriels les plus polluants, qui seront soumis, à partir de 2025, à un mécanisme d'ajustement carbone (une taxe) à la frontière si les marchandises importées ont été produites de manière plus émettrice à l'étranger que dans l'Union.
Parfois, et injustement, on peut avoir l'impression qu'il n'y a plus que les millions d'étudiants Erasmus bénéficiant d'échanges universitaires entre États membres, qui semblent encore apprécier à sa juste valeur le projet européen.
Une Europe normative mal-aimée alors que ses règles protègent les consommateurs européens, assurent une concurrence loyale entre producteurs européens et étrangers dans le marché unique, sauvegardent notre environnement et assurent une meilleure qualité de vie. Une Europe aussi qui soutient les agriculteurs pour plus de durabilité, et qui aide les régions les plus défavorisées et les restructurations industrielles. Une Europe qui cherche ensemble à répondre aux défis du monde d'aujourd'hui, qui assume un leadership dans la lutte contre le changement climatique qui nous menace tous et auquel nous ne pouvons répondre efficacement que collectivement. Une Europe qui dispose de la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux, et qui assure ainsi les conditions-cadre pour la création des emplois et de prospérité du futur.
C'est aussi l'Europe qui impose des corrections contre les abus de positions dominantes, pour empêcher les distorsions et pour compenser les coûts sociaux, sanitaires et environnementaux, des activités économiques. Une Europe qui se soucie des délaissés et qui cherche continuellement un juste équilibre entre responsabilité individuelle et solidarité collective. Une Europe enfin qui défend les valeurs fondamentales de la démocratie, de l'état de droit et des droits de l'Homme.
Quand l'Europe n'avance pas, elle recule
Cette Europe, on a parfois tendance à l'oublier. Et en temps de crise, le réflexe du repli sur soi ne fait que renforcer cette tendance. D'une certaine façon, ces oublis sont un hommage au succès d'une intégration européenne dorénavant ressentie comme normale et évidente. Mais tout projet humain est fragile, la démocratie comme la construction européenne, et ses acquis doivent être défendus, en les sortant de leur banalisation et de l'oubli. Quand l'Europe n'avance pas, elle recule.
Il est sain et nécessaire d'avoir un débat politique serein sur les politiques européennes à mener. La démocratie est au cœur de l'Europe et nous allons pouvoir nous exprimer démocratiquement lors des prochaines élections européennes du 9 juin.
Mais pour être sain, ce débat démocratique doit reposer sur une connaissance des enjeux au niveau européen, de son histoire et sur une réflexion d'où nous venons et vers où nous voulons aller ensemble. Nous pouvons vouloir plus d'Europe, moins d'Europe ou une autre Europe mais il faut d'abord connaître cette Europe, mal-aimée car méconnue, avant de pouvoir repenser l'Europe de demain.
"Une communauté de destin"
Chaque État-nation a une fête nationale, un jour férié qui commémore son passé pour mieux se projeter dans l'avenir, et dans les États fédéraux, les entités régionales souvent aussi. Chaque État-nation s'est construit une histoire nationale, expliquant ses origines et ce qui a forgé son identité politique, malgré la diversité des interprétations de nos passés et de nos présents. Souvent d'ailleurs les États membres de l'Union européenne commémorent plusieurs dates importantes de leur construction nationale en plus de la fête nationale.
L'Union européenne n'est pas un État-nation, mais elle a une identité institutionnelle propre, ce que Salvador de Madariaga décrivait comme "un état d'âme, une communauté de destin". Et si sa devise est "l'unité dans la diversité", elle a néanmoins une histoire commune à partager, notamment celle de la foi dans cette richesse de la tolérance et de la diversité dans l'unité.
Dès lors, ne devrait-il pas être une évidence que cette histoire-là se raconte, s'enseigne dans nos écoles, partout en Europe et qu'une fois par an au moins nous puissions nous arrêter et réfléchir ensemble ou du moins simultanément, dans les 27 Etats membres de l'Union, à notre passé et notre destin commun ? Et pourquoi ne pas fêter ce qui a été accompli : trois générations déjà de paix et de prospérité partagées.
À ce jour, seul le Luxembourg a déclaré le 9 mai jour férié. Quatre autres pays continuent à commémorer la fin de la guerre le 8 mai : la France, les Pays-Bas (qui fêtent la fin de la guerre le 5 mai), la République Tchèque et la Slovaquie.
N'est-il pas temps de promulguer le 9 mai jour férié partout dans l'Union européenne ? En attendant, bonne fête de l'Europe à tous !