UEF BELGIUM IN THE PRESS | Les élections européennes de 2024 : en route pour la constituante ?
Please find here the link to the article “Les élections européennes de 2024 : en route pour la constituante ?” published on the La Libre Belgium. This article was written in French by Jean Marsia, Domenico Rossetti di Valdalbero and François Mennerat members of UEF Belgium.
Entre le 6 et le 9 juin 2024 auront lieu les élections européennes dans les 27 États membres de l'Union européenne. Depuis la déclaration Schuman du 9 mai 1950, des étapes importantes ont été franchies dans l'intégration européenne : l'ouverture des frontières, le marché intérieur pour 450 millions d'habitants et la monnaie unique pour 20 États membres, sans parler des échanges Erasmus qui ont marqué du fer européen des millions d'étudiants. Mais un concept essentiel, annoncé pourtant par Robert Schuman dans sa déclaration du 9 mai 1950, n'est toujours pas atteint : celui de la Fédération européenne. Sans Fédération, il est difficile d'imaginer une autonomie stratégique européenne, un rôle de premier plan de l'UE sur la scène mondiale et notamment vis-à-vis de ses voisins immédiats que sont l'Ukraine et la Russie.
L'idée du président Emmanuel Macron de constituer une "Communauté politique européenne" avec l'UE et les autres pays de l'est de l'Europe a un sens mais n'a malheureusement pas (encore) été suivie d'effets concrets depuis le sommet inaugural de Prague, en octobre dernier, et le sommet de Chisinau en Moldavie des 1er et 2 juin 2023. Si la cinquantaine d'États présents (l'UE et les pays du voisinage – du Royaume-Uni à l'Azerbaïdjan en passant par la Norvège, la Suisse, les Balkans et la Turquie) souhaitent la sécurité, la stabilité et la prospérité, il faut joindre des actes aux paroles.
Pour être plus efficace
Depuis quinze ans, les crises ne manquent pas : financière en 2008, monétaire en 2010, migratoire en 2015, sanitaire en 2020 et 2021, et géopolitique et militaire en 2022 et 2023. Des progrès ont été faits mais, pour être plus efficaces, nos politiques doivent s'européaniser : qu'il s'agisse de l'économie et de la fiscalité, de la santé et de la migration, de la sécurité et de la défense. Le mode de gouvernance le plus approprié, celui qui respecte autant la supranationalité que la subsidiarité, est le fédéralisme que vivent depuis longtemps les Allemands.
Le Parlement européen, fondé en 1952 et élu directement depuis 1979, a négligé (sauf avec les projets d'Altiero Spinelli en 1984 et de Fernand Herman en 1994 et avec la Convention de Valéry Giscard d'Estaing en 2004) son premier devoir : doter l'Europe d'une Constitution qui établirait les droits fondamentaux des citoyens, fixerait les principes sur lesquels repose la légitimité du pouvoir politique européen, esquisserait l'architecture des institutions fédérales et définirait la répartition des compétences entre l'Union, ses États et ses régions.
Deux voies pourraient mener à une Constitution fédérale : soit une initiative des parlementaires européens, soit une décision de quelques gouvernements qui agiraient comme une avant-garde européenne.
Principe d'égalité des citoyens
Après les élections européennes de 2024, le Parlement européen (PE) pourrait jouer son rôle et se déclarer constituant, puis rédiger et voter une Constitution fédérale européenne. Avant les élections, le PE devrait adopter une loi électorale prescrivant notamment le principe de l'égalité de ses citoyens, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui – quand un Maltais et un Luxembourgeois sont douze fois plus représentés qu'un Allemand. Il faudrait ensuite harmoniser l'âge de voter à 18 ans (en Autriche, on vote à 16 ans, et dans une douzaine d'autres États de l'UE, à 21 ans ou plus). Il serait judicieux enfin de se mettre aussi d'accord sur le droit de vote : obligatoire (en Belgique, Bulgarie, Luxembourg, Grèce et Chypre) ou non obligatoire, et sur les seuils électoraux qui n'existent pas dans la moitié des États membres alors qu'il est de 5% dans 10 pays membres, de 4%, de 3% ou de 1,8% dans d'autres.
Le Benelux avait ouvert la voie aux six pays fondateurs des Communautés européennes d'origine (Ceca, CEE et Euratom). Il avait supprimé ses frontières intérieures en 1975. Dix ans plus tard, la France et l'Allemagne l'ont rejoint pour fonder la zone Schengen qui compte aujourd'hui 23 États membres de l'UE et quatre pays associés. La zone euro a été initiée en 1999 par neuf États membres et elle en compte vingt aujourd'hui.
Un noyau extensible pourrait renforcer la souveraineté de l'Europe en développant un pilier européen de l'Otan et en accroissant les capacités militaires grâce à une plus grande efficience des dépenses de défense. Ce noyau assumerait les charges inhérentes à la défense européenne et limiterait les risques, qui sont plus élevés si l'on se contente de seulement suivre nos alliés américains. Un pilier européen de l'Otan équilibrerait géopolitiquement l'Alliance et augmenterait notre autonomie stratégique.
Il n'y aura pas d'Europe forte si elle n'est pas démocratique, ce qui nécessite une Constitution approuvée par "le peuple souverain", les citoyennes et citoyens européens. Comme les députés français de 1789, les parlementaires européens nouvellement élus devraient s'engager à jouer leur rôle au regard de l'Histoire par un serment du Jeu de Paume européen : "Nous jurons de ne jamais nous séparer et de nous rassembler partout où les circonstances l'exigeront, jusqu'au jour où la constitution (de l'Europe) sera établie et affermie sur des fondements solides".
Aujourd'hui, les États qui se savent les moins souverains et qui ont des moyens modestes en termes de budget, de base industrielle et technologique, seront probablement les premiers membres des "États-Unis d'Europe". Cet État fédéral européen assurerait les compétences relatives aux relations internationales, à la sécurité, à la défense et, pourquoi pas, à la recherche, au spatial, et à la lutte contre les changements climatiques.
Principe de subsidiarité
Les compétences seraient réparties entre les niveaux de pouvoir selon le principe de subsidiarité. Les relations internationales seraient gérées comme au Canada ou en Allemagne. Les forces armées fédérales coexisteraient avec les armées des États membres. L'actuel Conseil européen se transformerait en Sénat représentant les États membres. Le Sénat et le Parlement européen (représentant le peuple européen) auraient le pouvoir de voter le budget, de lever l'impôt et de prendre des initiatives législatives dont les propositions de textes émaneraient toujours du pouvoir exécutif et de l'administration que représente la Commission sur le plan européen.
Progressivement, les États-Unis d'Europe fondés par un petit noyau d'États attireraient des États de plus en plus imposants, comme l'Italie et l'Espagne, voire l'Allemagne et la France, sa force de frappe et son siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies. Les événements dramatiques qui se déroulent en Ukraine nous imposent d'être lucides. Rien ne peut justifier d'attendre encore plus longtemps. Adoptons une constitution européenne et créons la Fédération européenne.